Si si, vous avez bien compris : on se prévaloir de sa culture française pour justifier un comportement inapproprié !
C’est du moins la ligne de défense adoptée par un serveur français ayant été licencié par la direction d’un restaurant de Vancouver, en 2018, pour cause de comportement « malpoli, agressif et irrespectueux ». Le Tribunal des Droits de la Personne de Colombie Britannique a jugé la plainte recevable et doit se prononcer prochainement sur l’affaire.
J’avoue avoir pensé à un canular, avant de vérifier les articles du Point, du Figaro, de la Repubblica et the Guardian. D’après ceux-ci, le serveur aurait admis sa tendance,
typiquement française d’après lui, à se montrer « plus direct et plus expressif » que son entourage canadien.
Mais il aurait également plaidé que son attitude « directe, honnête et professionnelle»
faisait l’objet d’une véritable « discrimination culturelle », puisqu’il s’agissait d’un trait
caractéristique de sa culture française, mal interprété par ses interlocuteurs.
Quel fabuleux exemple de décalage culturel !
Tout d’abord, on pourrait s’interroger sur le positionnement des intéressés, sur l’axe
Tâche / Relation. Lorsque nous devons accomplir une tâche, certains d’entre nous sont prioritairement focalisés sur l’objet de cette tâche, ses résultats et les compétences requises. C’est essentiellement une question de savoir-faire.
D’autres donnent plus d’importance à la façon de mener cette tâche, notamment en
termes de relations avec les autres personnes impliquées, comme les collègues ou les clients. Pour les personnes situées du côté « Relation » de l’axe, la technicité ne peut pas mener au succès sans le savoir-être, l’intelligence relationnelle.
Le collaborateur en question, dont ses anciens employeurs reconnaissent les
compétences techniques, semble ainsi pencher clairement du côté de la tâche.
De ce point de vue, d’après la littérature interculturelle la culture française serait plus
orientée relationnel que la culture canadienne. La réponse n’est donc pas à rechercher dans cette dimension.
Jetons alors un regard du côté de ce que les Canadiens ont pu interpréter comme
« malpoli, agressif et irrespectueux » et que notre concitoyen a indiqué être une simple façon d’être « plus direct et plus expressif ».
Il s’agit ici de la façon de gérer le désaccord, dont l’axe interculturel consisterait à
positionner une culture (ou un individu) entre les deux pôles de la Confrontation et du
Consensus. Les Canadiens, tout en étant assez directs dans leur mode de communication, se situent du côté de l’évitement du conflit, estimant que le désaccord et le mécontentement doivent s’exprimer dans le respect des règles de politesse et dans une optique de préservation de l’harmonie.
Les Français, passionnés de débat contradictoire et encouragés par le célèbre adage « il faut crever l’abcès », ont une certaine tendance à affronter tout différends d’opinions comme une question de vie ou de mort. Que le plus fort gagne !
Ils se situent donc très nettement du côté de la confrontation, sans trop d’égards par
rapport aux conséquences que cela peut avoir sur la relation. Cela n’est ni bon, ni mauvais, car tout est question de perception et de préférence. Il y a
des cultures où la confrontation directe est encore plus forte qu’en France. Et des pays où l’harmonie et l’évitement du conflit sont recherchés avec davantage d’entrain qu’au Canada. Tout est relatif et dans le domaine des relations interculturelles cela est sans doute plus flagrant qu’ailleurs.
Cette histoire nous rappelle, si besoin est, que les problèmes viennent moins de la
différence, que du manque de souplesse et d’adaptation des protagonistes.
P.S. Dans mes conférences je rappelle régulièrement l’intérêt des proverbes et dictons populaires dans la compréhension d’une culture. Voilà un exemple : savez-vous que l’expression « crever l’abcès », pour indiquer la volonté de résoudre une situation difficile, n’a pas d’équivalent en anglais ? Ni en italien, espagnol ou portugais ?
Angela Lequenne
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