Depuis quelques temps nous constatons un intérêt grandissant des entreprises et des managers pour le feedback. Des programmes d’accompagnement allant au-delà de la
formation classique sont de plus en plus demandés par nos clients, qui mesurent enfin l’importance du feedback en milieu professionnel.
Tout le monde s’accorde à dire que le feedback peut être un formidable outil de management, à utiliser pour nourrir la relation de confiance, faire grandir les
collaborateurs (et souvent le manager lui-même !), atteindre plus facilement et plus rapidement ses objectifs professionnels... Mais combien de managers prennent réellement en compte la dimension culturelle dans la pratique du feedback ?
Il convient de rappeler que la façon dont nous apprenons à donner et à recevoir du
feedback, notamment négatif, est influencée par notre environnement culturel et notre éducation, dans laquelle le système scolaire joue un rôle déterminant. Ce n’est donc pas surprenant de constater qu’un manager français sera plus enclin à pointer du doigt les points à améliorer (le fameux « peut mieux faire ! » auquel chacun a eu droit, au moins une fois) qu’à pratiquer l’art subtil de l’encouragement par le positif, dont les Américains sont maîtres.
La façon de donner du feedback est souvent source de gêne et de méprises dans les
équipes multiculturelles, parce que chacun tend à appliquer au feedback ses critères
personnels, ou bien quelques stéréotypes culturels qui nous servent parfois de raccourcis dans le domaine de la communication. Par exemple, tout le monde s’attend à décoder plus facilement la communication plutôt franche et directe des Américains, des Néerlandais ou des Australiens, que celle beaucoup plus implicite des Japonais, Chinois, Indiens ou Saoudiens. Dans ces cultures, le contexte dans lequel le message s’inscrit, le statut de la personne qui parle et celui du receveur, véhiculent autant de sens que les mots. Il est donc recommandé de prêter attention aux nombreux sous-entendus culturels.
A partir de là, il faudra éviter de se laisser piéger par la tentation d’étendre ces mêmes critères aux situations de feedback, parce qu’il existe des exceptions notables lorsqu’il s’agit de feedback négatif.
En effet, certaines cultures connues pour être explicites en termes de communication, le sont beaucoup moins lorsqu’il s’agit d’exprimer leur mécontentement. Ainsi, les Américains préfèrent plutôt enrober leur feedbacks négatifs dans un ou plusieurs commentaires positifs, selon la célèbre « technique du sandwich » : un feedback positif pour mettre l’interlocuteur en confiance, un feedback négatif pour lui permettre de s’améliorer, une conclusion positive pour qu’il reparte motivé. Les Britanniques, quand à eux, profitent de la richesse de la langue anglaise pour faire de l’understatement et donner parfois l’impression de minimiser les problèmes. Un client « a bit disappointed » n’est pas légèrement déçu, mais plutôt franchement mécontent de la façon dont il a été traité. Et l’expression « perhaps you would think.... » dans la bouche de votre manager est moins une suggestion amicale, qu’une ferme invitation à changer de méthode.
Curieusement, certaines cultures latines connues pour leur goût de la périphrase et du sous-entendu (Français, Italiens, Espagnols) sont plus à l’aise avec les feedbacks négatifs directs, auxquels ils ne considèrent pas toujours opportun d’ajouter des éléments positifs. Question de ne pas laisser de doute sur leurs intentions. Cela est également le cas des Russes, pour citer un exemple plus éloigné géographiquement.
Alors, comment bien gérer les feedback dans les équipes multiculturelles ?
Tout d’abord, en partageant ouvertement les points de vue et les habitudes culturelles de chacun, avant que les situations de feedbacks deviennent problématiques. Cela est souhaitable d’ailleurs pour toutes les situations relationnelles qui peuvent impacter le climat d’une équipe hétéroclite: styles de communication, respect des règles, utilisation des e-mails, communication entre niveaux hiérarchiques, etc.
En tenant compte des différences culturelles et des attentes de chacun vous pourrez,
sans avoir à révolutionner votre style, respecter les sensibilités et éviter d’offenser vos interlocuteurs. Si vous savez que le respect de la hiérarchie des asiatiques ne leur permet pas d’exprimer la critique devant leur supérieur, ni de se mettre en avant en présence de collègues plus âgés, vous éviterez de solliciter leurs commentaires (ou de leur reprocher de ne pas être proactifs) lors des réunions en grand groupe.
Evitez par ailleurs de vouloir vous adapter à tout prix au style de votre interlocuteur. Non seulement cela vous demanderait un effort considérable, mais vous risqueriez de vous faire une réputation de girouette si vous avez plusieurs cultures dans votre équipe : « Le chef est franc et direct avec Jan, mais très lisse et diplomatique avec Chan, alors qu’il a toujours des commentaires positifs pour Jack, qui fait pourtant autant d’erreurs que les autres... ».
Enfin, soyez assidu dans la pratique du feedback, négatif et positif, car le fait de savoir distribuer des critiques justes, autant que des compliments sincères, montrera votre ouverture en tant que manager et vos qualités de mentor. Sollicitez également le feedback de vos pairs et de vos collaborateurs, pour montrer que vous êtes aussi disponible à recevoir les critiques et les suggestions.
Pour le reste, les règles de base du feedback s’appliquent aussi en milieu multiculturel :
-Toujours donner des feedbacks précis et factuels, assortis d’exemples basés sur des comportements observables (et non pas sur les qualités personnelles que vous pensez en être la raison). L’indication des conséquences des comportements en question aide aussi à mieux situer les faits dans leur contexte et à prendre du recul,
-Donner uniquement des feedbacks sincères et avec des intentions positives : aider
la personne à s’améliorer et à élargir ses points de vue, apporter les éléments positifs dans le but d’encourager et motiver, plutôt que, pour dorer la pilule, vouloir
comprendre le point de vue de son interlocuteur, donner les feedbacks uniquement en face-à-face, individuellement, et en s’exprimant à la première personne du singulier: l’emploi du « tu/vous » est un brin accusatoire, l’utilisation du « on » ou du « nous » ne transpire pas le courage managérial...
-Impliquer son interlocuteur dans la recherche de solutions et dans la mise en
oeuvre du plan d’actions, qui doit impérativement prévoir un suivi entre les deux
parties.
Que vous soyez en situation de management multiculturel ou pas, soyez toujours à
l’écoute de votre interlocuteur, en restant sensible aux signaux faibles que sont l’attitude corporelle, les silences, le choix du langage. En cas de doute, posez des questions ouvertes et laissez le temps et la place pour l’expression. Vous apprendrez beaucoup de choses et vous renforcerez la relation, ainsi que votre réputation de bon manager.
Angela Lequenne
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